Libre !
Lorsque j’ai connu Amira Bouraoui, elle n’était pas encore l’emblématique révolutionnaire qui brandissait des pancartes artisanales à l’université de Bouzareah pour s’opposer au 4 eme mandat d’un Bouteflika déjà impotent.
Amira se battait , souvent seule, ou accompagnée de trois ou quatre amis/es.
Elle s’est laissée embarquer par la police sans jamais élever la voix. A cette époque ses enfants étaient encore très jeunes et elle a eu le courage conscient de marcher la tête haute et le verbe clair et puissant pour dire la vérité sans fard à un régime qui considérait que ces revendications étaient puériles.
Amira Bouraoui me disait qu’elle le faisait pour ses enfants. Pour son pays. Pour la dignité.
Elle me disait: engage toi, tu dois parler. Si tu te tais ils parleront à ta place. Et ils prendront ta place.
Alors j’ai écrit. Et elle disait va plus loin. Montre toi.
Comme j’étais loin au Canada, elle m’a dit de me rapprocher de quelques amis pour mettre en marche une nouvelle dynamique.
C’est ainsi que j’ai pu revoir mon cher Mustapha Benfodil qui a tenu le haut du pavé avec sa fougue, Lazhari Labter dont le calme contrastait avec la virulence de ses papiers, et le regretté Sammy Oussedik qui avait toujours le mot juste et aurait pu devenir un espoir de l’Algérie.
Certaines officines présentaient Amira Bouraoui comme une passionaria exaltée en reprenant la terminologie coloniale quil’affublait de l’étiquette d’activiste, mais c’était une femme libre et passionnée.
On a dit d’elle aussi qu’elle etait une enfant gâtée en pointant du doigt sa famille et son métier. Mais elle était fière de ce qu’elle était et de ce qu’elle faisait.
Je dis elle était.
Je dois dire : elle est… en prison ! Mais elle est libre. Plus libre que ce régime aux mains liées.
Respect.
Aziz Farès
18 juin 2020