« Le Hizb du Loch Ness »
En mettant sous les verrous les membres influents de la nomenklatura algérienne, le général major Gaïd Salah n’avait ni l’intention de jouer au justicier ni de se venger de ses pairs qui avaient, l’histoire le confirmera peut être, le destituer.
Il s’est comporté exactement comme l’exigeait le logiciel qui fait fonctionner le système politique algérien fondé sur la prééminence de l’autorité exclusive de l’armée.
Si ces inculpations peuvent faire plaisir à des millions de citoyens qui manifestent pacifiquement, il n’en demeure pas moins que c’est de la poudre aux yeux que l’état major lance à une opinion publique avide de justice.
Car le principal concerné, le responsable de la situation catastrophique que vit aujourd’hui l’Algérie , l’ex président Abdelaziz Bouteflika, est toujours hors de ce maelström.
Le général major a-t-il donné à son ex maître la garantie qu’il serait épargné? Ou bien utilise t’il Abdelaziz Bouteflika comme un pare-feu qui servirait d’épouvantail?
A plusieurs reprises le général major Gaid a exprimé sa détermination à respecter la constitution. Cela aurait pu avoir du sens si cette constitution représentait réellement les aspirations de la société.
Mais ce n’est pas le cas et parmi les nombreux slogans exprimés par les manifestants, une nouvelle constitution est exigée afin de faire entrer l’Algérie dans une deuxième république qui garantirait une véritable démocratie fondée sur l’alternance et des élections propres et représentatives des courants de la société.
En fait le général Gaïd propose tout simplement de perpétuer un système qui est arrivé à sa fin.
Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc, juriste ou politologue pour comprendre ce que la société demande et que le décideur du moment refuse de voir et encore moins d’accepter.
Ceci est dans l’ordre logique du système politique qui a régné sans gouverner pendant 57 ans.
C’est vrai une chose à changé; Le général Gaïd , contrairement à ses prédécesseurs au poste qu’il occupe, n’a pas usé de violence contre les citoyens.
Au lieu d’envoyer la troupe il a fait intervenir les services de police, évitant ainsi de se voir coller l’étiquette de putschiste.
Mais le général Gaïd , comme ses prédécesseurs, est sourd. Il est en déphasage total avec la société algérienne. Il ne l’écoute pas. Il ne l’entend pas. Pour lui la société n’existe pas car il ne voit en elle que quelques trublions activistes qui « n’ont qu’à manger de la brioche »
Ce fut l’erreur du colonisateur qui a toujours parlé des « événements d’Algérie ». Ce fut l’erreur de tous les responsables politiques et militaires qui ont toujours brandi le spectre de la main de l’étranger, ce hizb du Loch Ness qui aurait manipulé un peuple à son insu et à l’insu des redoutables services secrets et de sécurité qui pourtant avaient la mainmise sur tous les leviers tant politiques qu’économiques militaires.
Autre erreur grave qui montre la méconnaissance et surtout le mépris de la société; Le général major a tenté de diviser le hirak en faisant interdire l’emblème amazigh.
Par cette opération il pensait naïvement prendre le contrôle d’un mouvement qui lui échappait car pour la première fois le peuple algérien dans toute sa dimension plurielle s’est mis en marche pour conquérir sa Liberté.
C’est maintenant une évidence; les stratèges militaires n’ont pas été capables d’évaluer le tsunami révolutionnaire qui a surgit du plus profond de la société.
Hommes femmes enfants, vieillards, personnes à mobilité réduite, jeunes, ont marché côte à côte bravant les oukase et autres fetwas dans un élan qui s’est répercuté aux quatre coins de la planète.
S’il souhaite garder l’ex président en otage , ce qui lui conférerait une fausse légitimité, le général major ne peut plus faire l’impasse sur la volonté démocratique de 40 millions de citoyennes et citoyens à moins de vouloir se noyer dans le Loch Ness.
Aziz Farès
19 août 2019