Monsieur Bouteflika
En accédant à la magistrature suprême en 1999 Bouteflika n’avait en tête qu’un projet: prendre sa revanche sur l’histoire et retrouver le statut qui était le sien. Revanche sur la révolution qu’il considérait comme sienne et dont il estimait avoir été dépossédé.
En fait, Abdelaziz Bouteflika n’a jamais été un homme capable de se projeter dans le futur. Il est évident , sans être grand clerc ni mufti, que Monsieur Bouteflika vit dans le passé qu’il s’est construit comme une tour d’ivoire imprenable.
Houari Boumediene, son mentor, disparu, il s’est immédiatement autopropulsé héritier d’un trône trop grand pour lui ainsi que les années suivantes l’ont démontré.
Si je parle de trône c’est pour bien mettre en évidence l’état d’esprit d’un homme qui a toujours rêvé d’être calife.
Cette mentalité de Dey a formaté les gestes et les décisions de Abdelaziz Bouteflika qui , persuadé d’être tombé dans la marmite du pouvoir absolu, ne tolère aucune contestation.
La République pour Abdelaziz Bouteflika n’a aucun sens. Encore moins la démocratie.
Pendant que les membres du gouvernement de Houari Boumedienne échangeaient leurs portefeuilles Abdelaziz Bouteflika s’est accroché mordicus au poste prestigieux et envié de ministre des Affaires étrangères, voyageant 15 mois sur douze en plastronnant à New York, Paris et Moscou.
Car Abdelaziz Bouteflika aimait paraître aux côtés des grands de ce monde. Cela semblait lui procurer une jouissance jubilatoire qu’il exprimait dans des discours lénifiants à la Tribune des Nations Unies qu’il présida durant six mois.
L’Algérie alors, sous sa férule, croyait qu’elle pouvait jouer dans le concert des nations.
L’Algérie mais pas les algériens ni les algériennes dont les sorties du territoire national étaient plus réglementées que dans un internat de bonnes soeurs.
Ainsi durant 13 années ( de 1965 date du coup d’état à 1978 , décès de Houari Boumedienne) tout un Peuple était considéré comme mineur par ceux là mêmes qui prétendaient l’avoir libéré du colonialisme.
Voyages interdits, presse muselée aux ordres du pouvoir, parti unique ( parti pris), logements au compte goutte, économie dite planifiée, police omnipotente , secteur privé suspect , administration tatillonne sans oublier une » sécurité » militaire faiseuse d’anges exterminateurs … voilà en quoi consistait le programme d’un gouvernement qui possédait tous les leviers de commandes. De coup d’état en coup d’état ( jusqu’à une révision constitutionnelle préfabriquée) aucune contestation, aucune opposition; et pourtant les résultats sont devant nos yeux.
Des milliards de $ lyophilisés dans des comptes offshore, des terres agricoles recouvertes d’un béton hideux, des importations massives inutiles gérées à la « Al/Copains » par des entreprises d’import/import , un marché noir florissant qui transforme le dinar en « heureux » en toute impunité, des mosquées en perpétuel chantier, des chantiers ouverts comme une béance qui balafre le coeur des villes, des campagnes électorales qui résonnent creux sur des bidons de pétrole, un président qui s’est fait oublier en ne s’adressant plus à la nation, des courtisans qui hantent les allées du pouvoir dans le seul but de plaire au « roi » afin de s’enrichir encore plus, des vertueux prédicateurs qui polluent les médias à coups de sermons et de fetwas juridiques, des intellectuels bannis, exilés , des scientifiques qui doivent faire allégeance aux nouveaux barons de l’ignorance, une école buissonnière vide de sens, des banques qui font banqueroute, des zones entières du territoire national interdites au citoyen, et une présidence qui se veut à vie mais qui survit dans un bunker.
Voilà ce qu’est devenue cette Algérie qui insolemment affirme être une république démocratique et populaire.
Autant de slogans vides qui ont asséché la sève créatrice de notre pays.
Amirouche, Krim, Abane, Benboulaid, Ben M’Hidi, Didouche et tous ces anonymes qui ont donné leur vie pour que vive l’Algérie, combattants anonymes, ne dormez plus.
Aziz Farès