Pasdaran
Ce n’est pas un mystère, les relations algéro/marocaines n’ont jamais été au beau fixe.
Malgré une proximité géographique , une culture , une langue, une religion et une frontière communes , une rivalité tendue oppose deux pays qui ne cessent de se regarder en chiens de faïence en allant cycliquement jusqu’à franchir le seuil des simples gesticulations verbales.
Guerre des sables de 1963, occupation du Sahara occidental par le Maroc, bataille d’Amgala, fermeture des frontières en 1994 suite à l’attentat de Marrakech… sont des jalons éloquents, souvent sanglants, de relations qui s’embrasent à la moindre étincelle.
Une surenchère est entretenue de part et d’autre avec souvent une pointe d’arrogance et d’ironie lorsqu’il est question du « makhzen » et de la personne du Roi « commandeur des croyants » face à un pouvoir algérien qui se dit républicain en pêchant dans les eaux d’un islam dévoyé.
En discutant avec de nombreux amis marocains, il apparait à chaque fois un grand malaise lorsque nous évoquons ces relations tendues entre deux peuples qui se proclament frères.
L’interpellation, la détention, l’interrogatoire et pour finir l’expulsion de Djamel Alilat, journaliste algérien, envoyé spécial du quotidien El Watan au Maroc pour couvrir les événements du Rif mettent en évidence le rapport faussé entre Alger et Rabat.
Djamel Alilat est rentré à Alger. Sain et sauf. Tant mieux !
Mais une question demeure pendante; quel risque un journaliste algérien pouvait il courir dans ce pays voisin ?
Était ce la ligne éditoriale de son journal qui dérangeait? Ou bien y a t il aura chose qui ne dit pas son nom ?
Il a fallu toute la détermination de son frère Farid Alilat, également journaliste, pour alerter les autorités des deux pays mais surtout l’opinion publique afin de parvenir à un dénouement que j’hésite à qualifier d’heureux dans la mesure où Djamel Alilat était supposé ne courir aucun danger.( En Syrie, Irak, Libye cela aurait été différent!)
Les pratiques de tous les régimes arabes, musulmans se ressemblent.
La presse est ciblée de manière systématique. Il faut faire taire la pensée, gommer les écrits, fermer les micros, détruire les images et interdire la réflexion qui pourrait remettre en cause des pouvoirs qui ont fondé leur légitimité sur la force.
Beaucoup on crié haro sur le baudet dans « l’affaire Djamel Alilat » devenu un héros malgré lui par le simple fait d’avoir voulu faire son travail.
Combien sont ils ces héros anonymes enfermés, embarqués, débarqués, assassinés, réduits au silence ou qui croupissent dans les prisons arabes ?
Que fait l’Algérie pour au moins tenter de faire libérer Raïf Badawi, ce jeune intellectuel saoudien condamné à une sentence barbare et anachronique par la « justice » de son pays pour avoir voulu exprimer sur un blog son amour de la Liberté ?
Durant des années le portrait d’Ingrid Betancourt et d’autres otages ornaient la façade des Hôtels de ville du monde.
Au lendemain de la commémoration de la tragique disparition de Tahar Djaout, je n’oublie pas le sacrifice de tous les Saïd Mekbel emblématiques figures de la Liberté et victimes de la barbarie.
Mais les pouvoirs arabes et musulmans n’ont que mépris pour ces tayabatt el hammam et pour tous les intellectuels qui dès qu’ils reçoivent un minimum de reconnaissance à l’étranger sont immédiatement étiquetés de l’infâme adjectif de mécréants.
Après des années de gauchisme de façade, de socialisme improvisé , les pouvoirs arabes et musulmans ont phagocyté l’islamisme qui a repris du poil de la bête pour s’acquoquiner avec des révolutionnaires d’arrière garde , pasdarans auto-désignés de « notre bonheur ».
J’y vois là le vrai danger.
Aziz Farès