Reglement de comptes.
Tous comptes faits, je vais suivre les conseils de mon comptable sur qui je compte pour gérer mon infortune que je traîne depuis 1962
je m’en vais allègrement trahir les idéaux illusoires qui m’ont éloigné de la réalité.
Facebook n’ayant montré que le bout de l’iceberg, je tire un trait à l’encre rouge sur les faux amis, et j’ose renier ma patrie, du moins celle que je croyais être mienne.
Au diable Enrico et la France de son enfance qui ne se trouvait pas en territoire de france.
Vive la france profonde, celle du terroir-caisse de résonance, du cassoulet et du foie gras.
Au diable les faiseurs de rois et tous les courtisans d’opérette, ces Monsieur Jourdain d’un autre temps qui continuent à parler en français à leur chien pour se persuader qu’ils sont devenus les nouveaux maîtres ou les nouveaux califes .
Je choisis mon camp en toute connaissance de cause.
Je vais devenir un harki , un hizb frança dans toute sa splendeur. Je vais manger dans la main de celui qui me nourrira en me faisant miroiter un horizon furtif.
Je vais rejoindre les braves qui ont su se tourner vers la mère patrie en revêtant l’uniforme rutilant et glorieux des goumiers et des spahis.
Ces patriotes méritent toute ma considération et c’est avec respect que je m’incline devant leur mémoire. En fait je ne trahis pas. Je remets les pendules à l’heure.
Je fais comme tous ces parvenus qui sont enfin arrivés à exister sans exister.
Et puis , puis je dire qu’ils ont trahi ? Si oui il faudra alors revoir les dossiers des transfuges de l’armée coloniale et des évadés en mission qui se sont faits plus royalistes que le roi pour devenir « docteurs de la loi sans foi »
Mon comptable m’a affirmé que les règlements de comptes n’étaient pas choses du passé car le passé est encore présent.
Il m’a dit également que si je décidais de rejoindre officiellement le hizb frança, il devrait décliner toute responsabilité dans le sort qui m’attendait.
Je lui ai bien fait comprendre que je préférais être le dernier des premiers car cela valait mieux que d’être dans le camp des derniers.
J’essaie de trouver les mots justes pour dire le fond de ma pensée. En réalité je ne pense pas. Je me laisse emporter par la vague scélérate qui fait tanguer les radeaux des harragas qui prient Neptune et Poseidon de leur faire découvrir une Terre promise à un autre destin.
J’arriverai bientôt à bon porc, Inchallah !, et je pourrai proclamer au monde entier que je suis végétarien pratiquant.
Tout prend enfin un sens. Je retrouve le goût de vivre, le goût de parler pour ne rien dire , le goût d’être un autre après n’avoir été qu’un autre qui ne se voyait pas et qui parlait… qui parlait… qui parlait… en brandissant le glaive de l’Ultime Vérité.
Je vais rejoindre mes congénères en laissant derrière moi un monde partagé entre deux enfers où se côtoient de faux dévots et de vrais hypocrites qui ont en commun une langue chargée de mensonges.
Je saupoudre ma langue de copeaux de mots de français pour bien montrer toute ma servilité et j’ajoute quelques expressions bien senties venues du tréfonds de ma mémoire . Ma cha Allah ! …histoire de passer inaperçu.
Me voilà devenu harki, traitre à la patrie ! Un collabo…Comme d’autres l’ont été en s’enveloppant dans le burnous trop grand d’une généalogie douteuse.
J’assume mon nouveau rôle et c’est l’esprit serein que je prends enfin la vraie route de ma vie.
Je serai un vrai traitre à défaut d’être député.
Je viens de finir de faire les comptes avec mon comptable et je lui demande son numéro de compte bancaire afin de lui verser ses honoraires.
Mon comptable m’a dit que je pouvais le payer en espèces sonnantes et trébuchantes ça si l’argent n’a pas d’odeur, il a le même sens dans toutes les langues. English, العربية, français, עברי, Deutsch………..
Il peut alors tout acheter.
Âmes, consciences, scrupules, moralité.
Aziz Farès
