Point d’ancrage.
Alors que chacun s’accorde à constater les échecs répétés du pouvoir algérien qui règne sans partage depuis 1/2 siècle , il convient de lui reconnaître une réussite , peu glorieuse certes, qui lui a permis de gouverner sans aucune résistance et je ne parle même pas d’opposition.
Lutte de libération, nationalisme, indépendance, coups d’Etat érigés en mode d’alternance, socialisme, capitalisme, islamisme, chauvinisme ( exclusivement foot), islamisme, zaimisme, khobzisme, chitanisme, chiyatisme..plusieurs révolutions se sont succédé pour éloigner sans cesse l’Algérien de son âme .
En voulant focaliser sur, certains diront cibler, quelques personnages et communautés emblématiques, nous assistons à un déplacement inquiétant du centre de gravité d’une réflexion qui se fait malheureusement à l’emporte pièce.
Je dis malheureusement car cela concerne l’ensemble de la société qui peine à trouver un point d’ancrage dans une zone devenue de plus en plus floue.
Qui, que, faut il croire lorsque de manière abrupte nous sont assénées des vérités immédiatement contre balancées par des textes tout aussi apocryphes qui se drapent dans le voile immaculé d’une innocence suspecte que des bigots et bigotes proclament à coups de décibels.
Il ne suffit pas d’affirmer qu’une chose soit vraie pour qu’elle le devienne. Dieu en est un exemple patent. Et tous les jours, que dis je, cent fois par jour, la rumeur publique( à défaut d’opinion publique) , nous convie à des agapes morbides.
Quelle place laisse t-on à notre intelligence, quel choix nous est offert, quelle structure fascisante tente de nous imposer un regard myope sur notre réalité?
Qui peut vouloir, quel qu’en soit le prix, briser notre volonté, détruire nos espoirs, nous réduire à une dépendance irrévocable, nous couper de notre identité, en nous considérant comme des cobayes sans cervelle?
« Ils ont volé, ils sont corrompus… », c’est le discours redondant qui tourne en boucle après avoir été vidé de sa substance. Il ne reste rien des accusations lancées comme des torpilles aveugles et assassines qui fracassent tout sur leur passage, impassibles, impitoyables, mortelles.
Est il si important le vol commis dans une impunité légitimée par le silence?
Oui il est important.
Car il est question du vol de nos consciences, de notre dignité, de notre intégrité .C’est encore plus grave et plus douloureux.
Un vol, un viol, un détournement , une fracture … Et dans ce tintamarre complice destiné à faire taire nos voix, nous observons avec un sentiment d’écœurement.
Oui le rapt d’un espoir porté par nos concitoyens est évident. Et il ne peut, il ne doit pas rester impuni.
Mais cela suffira t -il à nous apaiser? A relancer une « machine » rouillée par une inactivité trop longue?
Les constats, même s’ils sont tristes, sont faciles à faire. A quoi peuvent ils servir, sinon nous « révéler » ce que nous savons déjà.
Dénoncer ne suffit pas!Mais alors quoi, qu’est ce qu’il veut celui là?
Bien sur qu’il faut informer pour que le changement devienne possible. Comment informer ET agir pour faire face à un Pouvoir arbitraire qui ne démordra pas facilement?
C’est une lame de fond qui doit se préparer dans la concertation mais surtout dans le plus grand secret car cela exige un mouvement d’ampleur seul en mesure de rétablir un équilibre en faveur de la Société.
Ce mouvement existe pourtant mais il fonctionne par à coups sans véritable stratégie, sans autre objectif que de mettre un terme à un règne d’incompétence.
Ce fut le cas des Pères Fondateurs qui n’avaient pour seul projet de Société, l’Indépendance.
Nous répétons en quelque sorte les mêmes mécanismes mais cette fois contre nous.
L’intérêt est ailleurs et nous ne le voyons pas. Nous ne sommes pas capables de le voir car nous le cachons comme une honte pour une faute supposée.
Notre « classe » politique se complait à redoubler, tripler les années d’une école qui ne lui a rien appris. Sauf à se présenter effrontément devant des électeurs-otages qui s’abreuvent d’images tombées du ciel en rêvant d’un au-delà ou ne se rencontreraient ni les uns ni les autres.
Quel rapport, pervers, peut il y avoir entre le vol et les voleurs? Comment ce rapport a t il pu s’établir, fonctionner et se maintenir pendant une période aussi longue. Longue dans la vie d’un homme.
Quel rôle l’école a-t-elle joué depuis 50 ans? quel rôle jouent elle aujourd’hui? quel sens donne t-on, maintenant, à l’idée de Nation? comment l’aspiration profonde à l’Indépendance s’est elle transformée en cri de détresse? Quant à la religion, vidée de sa dimension spirituelle, elle ne représente qu’une suite répétitive d’actes manqués.
Les nouveaux patrons de presse sont aussi responsables de cette situation et n’ont rien trouvé de mieux que de se lancer dans des combats partisans en oubliant d’accomplir leur mission, celle, noble, dont ils avaient été investi réduisant la plume des journalistes, souvent lumineuse à produire des graffitis.
Les intellectuels, les écrivains, les artistes, peintres , musiciens , l’ intelligentsia de dimension internationale ne rêvent plus et les penseurs et stratèges politiques sont déconnectés de la réalité tragique d’une société en détresse.
Faut il se contenter de reproduire, sans effort, un message déraisonnable qui a perdu tout sens à force, dans un réflexe pavlovien, de faire des « copier coller » advitam…?
Le lien, pourtant, existe. Il est là, visible, clair, solide pour ceux qui veulent le voir et s’en saisir.
L’idéologie nationaliste qui a permis de résoudre l’équation absurde du colonialisme semble nous avoir enfermé en brisant une dynamique historique.
Les médias, il faut y revenir, au même titre que les « gouvernants » ont mal assimilé leur rôle et ont été séduits par des sirènes habiles qui , à l’unisson, chantent une partition écrite en mode pétro-dollars.
Les TV » prétendument privées » sont tous dans la même poubelle car elles n’ont pas réussi à comprendre que leur travail était d’une importance capitale: transmettre, communiquer, diffuser le savoir, en maintenant vivante l’étincelle de l’espoir à l’instar de modestes mais illustres ancêtres qui avaient l’intuition du devenir.
La Révolution ce n’est pas Novembre ’54. Ce serait trop simple.
S’y référer sans cesse comme d’autres tentent de s’accrocher au burnous du Prophète c’est nous faire redevenir ce que nous ne voulions plus être.
A quoi cela nous a t-il mené?A entretenir une illusion de liberté, un faux sentiment d’indépendance qu’une analyse intellectuelle rapide permet de démonter sans effort.
Le recul est non seulement nécessaire mais il devient urgent de prendre ses distances par rapport à une question sans issue. Du moins une issue murée par des certitudes figées.
L’Algérien millénaire , enfant de la Casbah, du Medracen, fils et fille de Fatma N’soumer, du Grand Amenokal, de Jugurtha , de Lalla Kahina , héritier de St Augustin, du Rab Ephraim Al-Naqawa אפרים בן ישראל אל-נקווא, de Tarek Ibn Zyad, saura t il sortir du ring et s’affirmer comme une entité libre, autonome et responsable?
Et entrer dans la modernité avec pour socle la Démocratie citoyenne.