Le puits
On dit que la « Vérité est au fond du puits ».
On dit aussi « qu’il vaut mieux laisser le couvercle sur le puits »
« Le puits de sagesse », quant à lui, impose le respect…
Je pourrais naturellement continuer cette évocation qui sera sans aucun doute complétée par d’autres, avec brio.
Je ferai donc un arrêt , une fixation(?) sur les puits de pétrole qui ont fait , en même temps, le bonheur ET le malheur de l’Algérie.
Tout le monde a entendu parler de ce « fameux » syndrome hollandais (dutch disease) qui décrit un ensemble de mécanismes par lesquels une forte dotation en ressources naturelles peut influencer négativement la croissance à long terme d’une économie. L’exploitation de ressources naturelles génère habituellement de larges profits qui vont conduire au développement de l’activité minière au détriment des autres secteurs de l’économie. L’accroissement du revenu national et de la demande entraînent des pressions inflationnistes, … et s’accompagne d’une appréciation du taux de change réel. La surévaluation du taux de change par rapport à ce qu’induiraient autrement les performances du pays va réduire la compétitivité des autres entreprises exportatrices. Celles-ci voient alors leurs profits diminuer, ce qui renforce les incitations à développer l’activité extractrice ( source internet).
N’est ce pas ce que vit l’Algérie depuis son accession à l’indépendance il y a 1/2 siècle?
Alors que la terre algérienne offrait ses faveurs, les enfants du laboureur se sont détournés de leur Vérité.
Producteur de vin, le beaujolais nouveau avait besoin des cépages algériens et les rosés et les blancs ne rougissaient pas de honte devant les grands crus français les plus réputés.
La vigne cependant a été arrachée , sacrifiée sur l’autel de la démagogie. Les chaînes de montage de véhicules qui permettaient au citoyen d’acheter une voiture rapidement, à crédit et à un tarif correct, ont été démantelées. Et aujourd’hui, un véhicule « produit en Algérie » (sic) veut faire figure de progrès … Tout un symbol !
Les « Souk El fellah » , Temples de la frustration éternellement vides ont fait place à des supérettes qui croulent sous l’abondance de produits » made in… » pour nourrir une autre frustration.
Les écoles censées dispenser le savoir et éduquer les futures générations se sont transformées en des » garderies » qui au mieux , offraient une double vacation qui imposait aux parents une gymnastique digne d’un planning de la NASA.
Les mosquées autrefois réservées au culte pratiqué dans la paix, la sérénité et la piété, ont été envahies par des hordes barbares qui s’adressaient à un diable déchu autoproclamé dieu.
Peut-on faire l’impasse sur les arts, la culture qui se résume à un folklore de cours élémentaire , la gastronomie héritière d’une tradition centenaire réduite à une cuisine insipide qui offre des steaks frites et des pizza mayonnaise , l’artisanat qui nous vient à présent du Maroc, d’Inde ou de Turquie, la musique dont les maîtres ( El Hadj, Guerrouabi, Sid Ahmed Serri…) sont aujourd’hui oubliés, le cinéma qui a su raconter la Lutte de Libération et nous faire rire à travers les personnages truculents de Boubegra, Krikeche et l’immense Kaci Tizi ouzou qui se meurt dans l’indifférence, l’inpecteur Tahar et son tout aussi génial apprenti ?
Toute cette richesse semble avoir été engloutie par un puits de pétrole censé apporter progrès, développement et même…bonheur !!!!
Une économie fondée exclusivement sur les hydrocarbures pouvait-elle réellement faire de l’Algérie un pays moderne et des algériens un peuple heureux qui a oublié la valeur travail?
Une économie qui a fluctué au rythme du prix du pétrole sans autre considération qu’engranger des pétro- dollars qui n’ont servi qu’à » créer » une nouvelle « race » de nantis.
Et alors que le monde tente de retrouver le sens de sa vie, l’Algérie creuse , creuse, creuse …( merci Fellag!) en s’accrochant à une chimère qui disparaît sans promesse de retour.
Le retour de flamme risque cependant de mettre le feu au baril de pétrole qui continue sa chute vertigineuse après avoir atteint des pics qui faisaient croire que les cieux étaient conquis.
Fracturer la roche pour obtenir du gaz de schistes ne fera qu’augmenter la fracture qui sépare les Algériens de leur destin.
Et , au fond d’un puits sans fond, nous aurons alors le » droit de pleurer ».
azizfareslesoir@gmail.com
in Le Soir d’Algérie