Icônes
Je suis assailli par des questions apparemment insolubles. Comment la Révolution Algérienne, portée aux nues par le monde entier, a pu dériver pour s’éloigner de son port d’attache ? Comment des hommes et des femmes ont pu sacrifier leur vie pour nous offrir le droit de vivre libre ? Comment le serment de nos martyrs a pu être trahi de manière aussi éhontée ? Mais surtout, comment des hommes et des femmes ont pu accepter de se laisser dominer durant 1/2 siècle sans réagir ?
Je ne parle pas des millions d’algériens contraints de se soumettre au diktat imposé par des putschistes qui se sont emparé du pouvoir manu militari .
Chaque jour , nombreux sont ceux et celles qui portent aux nues, à juste titre, les Abane, Didouche, Ben M’hidi, Benboulaïd et bien d’autres…
Héros morts pour la patrie, héros assassinés par leurs frères d’armes. Héros devenus mythiques qui «auraient» pu donner à l’Algérie la place qu’elle mérite.
Mais ils ne sont plus qu’un souvenir que notre mémoire voit disparaitre peu à peu nous laissant orphelins d’un espoir éteint.
Mais que dire de ces hommes et ces femmes héros de la Révolution encore vivants qui semblent s’être accommodé d’une situation qu’ils observaient en silence en hochant la tête en signe de désapprobation ?
Avec tout le respect qu’elle mérite et que je dois à Djemila Bouhired, je suis surpris de l’entendre dire aujourd’hui : « Si Bouteflika se représente, je descendrai dans la rue!».
Pourquoi avoir attendu 50 ans pour dénoncer l’arbitraire ? Pourquoi «descendre dans la rue» pour condamner le « enième mandat » d’un président moribond alors que la constitution, au moment de son retour aux affaires limitait le nombre de mandat à deux? Pourquoi avoir accepté que cette constitution soit bafouée sans vergogne, laissant le champ libre aux aventuriers de tout acabit ? Pourquoi n’avoir rien dit, ou presque pendant les années de socialisme triomphant qui n’a fait que faire triompher la gabegie ? Pourquoi avoir laissé le champ libre aux islamistes de bazar qui se sont érigés gardiens de la « morale » de citoyens qui croyaient non seulement en Dieu, en l’Islam, mais en une Indépendance chèrement payée? Il y a autant de pourquoi que de non-réponses.
L’Algérie s’est ainsi laissée entrainer vers des rives qui l’ont éloignée de son essence.
Bien sûr, on pourra dire qu’il est facile de critiquer à posteriori et que nous avons donné « une chance» à ceux qui gouvernent .
Nous ont-ils eux donné une seule chance d’entrevoir notre présent et notre futur dans un esprit de paix , de sérénité, de sécurité et de progrès ?
Bien évidemment, la réponse, ici, est claire: NON.
Après avoir été «La Mecque de la Liberté», l’Algérie est devenue « La Mecque de la corruption, de l’aventurisme, du clientélisme et de l’incompétence».
Les 9 millions d’Algériens que nous étions alors, traumatisés par une lutte impitoyable, n’aspiraient qu’à vivre libres.
50 ans après, les 35 millions d’Algériens se posent encore la question d’un mandat qui n’a plus de sens nous faisant devenir les acteurs peu glorieux d’un suspense pourtant bien réel à la Hitchcock.
Le véritable acteur de la Lutte de Libération Nationale, c’est le Peuple Algérien qui a osé bravé le pouvoir colonial. Le printemps berbère, octobre ’88, Ghardaïa et bien d’autres moments devraient nous rappeler que nous sommes les véritables Icônes de notre Histoire.