Journal d’un « oublié «
Google serait-il devenu le nouveau gardien de notre mémoire?
Cette mémoire vive qui se meurt lentement dans les vapeurs hypnotiques qui emplissent l’air des alcôves secrètes des apprentis sorciers qui gouvernent en ricanant au fond de leurs officines.
Que sont devenus ces personnages qui nous ont fait rire et pleurer ? Et espérer! Hommes, femmes, comédiens de talent, sportifs médaillés d’or qui ont fait gonfler nos coeurs de fierté, ces journalistes scrupuleux, billettistes engagés, ces animateurs de radio, de télé qui respiraient l’Algérie dans un souffle vital, ces commerçants honnêtes qui rendaient toujours la monnaie, ces chauffeurs de taxis qui vous emmenaient où vous vouliez, ces voisins chaleureux près à rendre service, ces chauffeurs d’autobus impeccables dans leur uniforme, la moustache fière bien taillée…
Ils vont et viennent , à présent, âmes en peine, malades et oubliés.
Des hommages pleuvent alors sur leur mort comme une ultime insulte.
Un « Hoax», virus des temps modernes, inonde le web pour titiller nos émotions. Une nouvelle défraichie refait surface: « La romancière Balkis Melhem, assassinée par ses frères !». Morte dix fois, cent fois, tuée par les nouveaux détenteurs d’une vérité imposée.
Cette « fausse info» , cette rumeur a un sens, un but. Nous culpabiliser, nous manipuler, nous mener sur des terres qui nous éloignent des rives de notre mémoire.
Et tout le monde tombe dans le piège savamment tendu par les nouveaux gourous de la communication.
Nos propres idées deviennent obsolètes, notre pensée se dilue dans un magma in/forme .
Nous croyons savoir en pensant que le pouvoir est au bout d’un clic de souris et l’ inspecteur Tahar pourra toujours enquêter mais nous ne rions plus. Son apprenti nous a quitté dans l’indifférence, comme cet extraordinaire comédien que fut Hassan el Hassani, comme Mustapha Zitouni , le fabuleux Draoui au dribble génial, comme Benguettaf qui croule sous les hommages , Kateb Yacine exilé, Mouloud Mammeri contesté, Abderrahmane Aziz qui chantait la Liberté… Ya Mohamed mabrouk aalik… et même El Hadj le phénix qui ne cherche même pus à renaitre.
Je me souviens des derniers jours de cet immense artiste que fut Ahmed Wahby, jeune premier à la voix de velours. J’avais été le rencontrer quelque temps avant sa disparition avec mon ami Djallel Chendali afin de l’inviter dans une émission télé. Tristesse de voir cet homme séduisant réduit à fumer ses Marlboro en attendant sa dernière heure. J’ai pleuré en le quittant.
Il en sera ainsi des gouvernants exécrés qui se verront porter sur l’autel de la reconnaissance posthume.
Tahar Ouattar dont j’ai combattu les idées, écrivait : « les martyrs reviennent cette semaine».
Il ne faut pas attendre que partent nos élites; il faut les honorer, les chouchouter, les respecter, les protéger car ce sont les sentinelles de notre mémoire.
Il y a quelques jours j’ai tenu à rendre hommage à Mustapha Benfodil, un journaliste, un ami, un frère.
Je me disais: faut-il attendre qu’une personne tire sa révérence pour l’honorer?.
Connaissez vous Mustapha Bekkouche?
Taper son nom et Google vous répondra.
Aziz Farès