Erreur
J’ai lu avec beaucoup d’attention dans le « Soir d’Algérie » l’interview de Abdelaziz Rahabi qui a répondu avec tact aux questions de Brahim Taouchichet à propos de la situation en Algérie.
Avec rigueur, précision, méthode, cet ancien responsable dont la compétence et l’intégrité ne sont pas mis en doute, s’est livré à une analyse qui, si elle est des plus pertinentes, me semble toutefois incomplète.
Dans une démonstration qui se veut didactique, A. Rahabi décrit le rôle et le caractère du président Bouteflika sans toutefois entrer dans la mécanique sophistiquée du système qui gouverne l’Algérie depuis 1954 et qui après avoir adopté une constitution limitant le mandat présidentiel en 1996, s’est laissé entrainer dans une dérive autoritaire pour ne pas dire totalitaire..
Monsieur Rahabi est pourtant particulièrement bien placé pour savoir que le système politique algérien n’a » bougé » que lorsqu’il était contraint par des crises qui risquaient d’ébranler ses fondations.
Or ces crises ne sont même pas effleurées et tout semble reposer sur la responsabilité, évidente en soi, du président Bouteflika qui a imposé sa « vision du développement » de l’Algérie. Je suis donc surpris lorsque Monsieur Rahabi décrit : ( Abdelaziz Bouteflika) comme « Un homme-pouvoir qui n’entreprend aucune action si elle ne renforce pas son pouvoir. Il a gouverné en marge des institutions parce qu’il estimait qu’il avait une relation sacrée avec son peuple et n’avait pas de compte à rendre.( sic).
N’est- ce pas là, la définition même DU POUVOIR. Que l’on se réfère à Machiavel, à Nietzsche , à Platon, Spinoza, Montesquieu et Ibn Khaldoun, les gouvernants ont toujours pensé qu’ils avaient un destin exceptionnel auquel ils devaient se (soumettre) car ils estimaient être investis d’une mission « sacrée » que leurs courtisans s’empressent toujours de glorifier.
C’est là, la face cachée du pouvoir, celle qui fascine et qui anime les hommes( et les femmes) souvent à leur insu.
Bouteflika, et mon propos n’est pas de le dédouaner, est prisonnier lui-même d’un système qui s’auto alimente à la source d’une idéologie définie par les Pères Fondateurs.
Il n’y a aucun hasard dans les décisions qui sont prises, particulièrement depuis 1962. Tout a été « pensé » pour que les hommes s’affrontent dans un combat fratricide dont l’enjeu est, non pas le progrès social et économique, mais le contrôle total des richesses naturelles, le pétrole et le gaz. En un mot: « Le Pouvoir ».
Cela, tout le monde le sait ! Cependant Monsieur Rahabi pêche par omission et fait peser le poids de la dérive algérienne (école, culture, politique…) sur l’équipe actuellement aux commandes.
Mais ce qui me parait plus inquiétant, c’est l’approche de Monsieur Rahabi qui, à mots couverts hésite à se découvrir lorsqu’il est question d’évoquer le rôle de l’Armée. Ainsi, je le cite : « … le président ne pouvait pas concevoir qu’on lui succède et c’est cela qui est aujourd’hui à l’origine de la crise politique, pas l’armée. »( sic)
L’acteur devenu observateur fait ainsi l’impasse sur une solution dont il connait l’issue.
Cela ne peut être qu’ une erreur de jugement. Ce qui déjà assez grave.
Aziz Farès