Le Serviteur du Prophète
(contribution de Dina Youras).
Quels merveilleux moments je passe tous les soirs en compagnie de cet auteur MIKA WALTARI de l’Académie de Finlande qui a publié en 1949 une superbe fresque historique qui a pour titre « le Serviteur du Prophète ».
Une immersion haute en couleurs dans Alger de l’époque des corsaires, avant et pendant la Régence Turque. Mikael, « l’Escholier de Dieu » qui s’est embarqué pour un pèlerinage en compagnie de son frère, de son chien et d’une dame aux yeux vairons, tombé entre les mains des corsaires barbaresques, ne doit la vie sauve qu’à sa conversion à l’Islam.
Médecin érudit, devenu esclave comme ces milliers de captifs occidentaux des corsaires algériens (à l’instar de l’écrivain Cervantès), il apprend le Coran à l’Ecole de la Mosquée d’Alger. Tour à tour guerrier, philosophe, favori au faite du pouvoir ou prisonnier croupissant au fond d’une geôle, il raconte avec beaucoup d’humour et de tendresse, cette riche expérience passée aux côtés de Khierredine Barberousse en soutenant le combat des algérois contre les Rois Hafsides complices des Espagnols qui contrôlaient Alger depuis la forteresse du Penon. Combat qui le mènera jusqu’aux côtés de Soliman le magnifique et de la belle Roxelane. L’auteur nous apprend que les rues d’Alger de cette époque grouillaient d’un monde cosmopolite où l’on parlait toutes les langues européennes, sur fond de bruit assourdissant des lourdes chaines de l’esclavage noir et de l’esclavage blanc, qui était alors très largement pratiqué par nos ancêtres !
Un roman truculent, rythmé de scènes cocasses, gaies, pittoresques, qui n’est pas sans rappeler, le génie humoristique irrésistible, des auteurs d’Astérix le gaulois, sauf qu’en l’espèce les gaulois en question ne sont que ces algérois d’époque, vifs, hâbleurs, tous pétris de limites et de faiblesses très humaines, que l’auteur a su décrire avec d’étonnantes précisions. On y apprend par exemple comment ils s’arrangeaient avec leur conscience pour détourner à leur profit les dures lois religieuses, et goûter en toute impunité aux plaisirs interdits, dont celui de Bacchus…entre autres ! Ce qui n’était pas sans étonner certains chrétiens convertis à l’islam dont l’intention justement était d’échapper ou de guérir de la « maladie du vin ».
Un document foisonnant d’informations historiques relatives à la reprise du contrôle de la ville d’Alger sous la houlette de Khierredine Barberousse, appelé aussi par les algérois le Libérateur ou Seigneur des Mers.
Le lecteur découvre également pas à pas, en compagnie de Michaël El Hakim, et de son frère Antti, rebaptisé Antar, de quoi est constituée la foi musulmane dans ses moindres détails et de quelle manière elle était enseignée et pratiquée dans les Médersas de cette époque, à quel point elle rayonnait et finissait par toucher la conscience des plus réfractaires parmi les renégats chrétiens, en ce siècle de haute religiosité. Ceux qui entendaient approcher l’Islam par simple curiosité intellectuelle, avaient dû négocier avec Dieu, en leur âme et conscience un délicat tournant religieux. L’auteur insiste enfin, en sa qualité d’historien, sur le rôle fondamental, parfois déterminant joué par l’islam dans la défense d’Alger face aux multiples envahisseurs de la Vieille Cité. Il nous explique comment les peuples d’Algérie vivaient bien à l’abri, derrière la barrière protectrice des Raïs, qui étaient à l’Islam, ce que les chevaliers de Malte étaient au Christianisme…
Je ne suis qu’à la moitié de ce livre étonnant, à lire et à relire…
Dina Youras