Nouveau, Réflexion, Société

Identité surfaite, mal faite, abstraite

Depuis longtemps déjà, le Monde, et l’Algérie en fait partie, se débat dans une question identitaire qui le taraude. Il n’est pas nécessaire de faire un détour par d’autres pays pour comprendre que cette question est, peut être plus encore aujourd’hui, d’actualité.

Que dire en effet de ces Arabes qui ne seraient jamais venus, de ces Berbères qui seraient venus d’on ne sait où, de ce peuple aujourd’hui appelé Algérien qui ne sait plus s’il doit vouer son âme à Dieu, à Allah, à YAHVE, à Bouddha ou … à personne ?

Comme on peut d’ores et déjà le pressentir avec une certaine appréhension, le défi est de taille et dépasse, de très loin, la question de l’identité arabe versus berbère, de la «question religieuse et de la tolérance», ou le simple cadre algéro-algérien.

«La Faille» est-elle plus grande qu’on le pense? Est-il, serait-il impossible de «s’entendre» avec «l’Autre»?

Le rejet pur et simple, mécanique, inconscient de l’autre partie de notre identité nous interpelle aujourd’hui de manière péremptoire.

Nous sommes indubitablement en guerre, mais contre nous-mêmes. Car «l’Autre» est en nous ou mieux encore, et ce n’est pas un jeu de mots innocent, «l’Autre étant nous». «Étant» devant être compris comme «Etre agissant». De et à l’intérieur.

Si nous acceptons que cette faille soit comblée nous avons la possibilité de nous transformer et de voir notre Société évoluer dans la paix, la sérénité, le respect. Dans le cas contraire, c’est l’impasse. Et c’est manifestement le cas.

L’Algérie dans sa composante humaine est mortifiée et cette mortification l’empêche de regarder l’autre tel qu’il est ; disons, «Te regarder tel que Je Suis». Nous sommes en face de nous-mêmes, de notre responsabilité Humaine devant l’Histoire et en poursuivant, sans réfléchir, le mythe d’un peuple pur, nous risquons de nous enfermer dans un délire dans lequel le peuple Allemand, aussi pragmatique qu’il soit, n’a pu échapper. La «tentation» de ne pas voir «l’Autre» est grande et peut parfois séduire les esprits faibles et surtout les faibles d’esprit qui se réfugient dans une illusion identitaire de complaisance et dangereusement fragile.

S’il est question d’identité, cela ne peut se faire qu’à la condition incontournable d’accepter que «l’Autre» fasse partie de «Nous». Ce «Nous» pourrait alors, s’il le désire, devenir librement un «JE» qui pense, agit, partage. Quelle que soit la couleur de la peau, la langue «d’origine», les caractéristiques ethniques ou religieuses, «JE…EST» ; nous sommes «l’Un Et l’Autre» et possiblement, «l’Un ne va pas sans l’Autre», une évidence pas si évidente car elle mène à une nouvelle réflexion : si Un est unique ( par définition) comment peut-il être aussi Autre ?

Renoncer à tancer celui qui est considéré comme un ennemi est le premier pas à faire, même s’il nous en coûte beaucoup. De toute façon cela évitera une surenchère à laquelle nous ne pourrons jamais faire face.

L’Islam se doit d’accepter ceux qui sont considérés comme des impies ou des mécréants. A quel titre d’ailleurs certains esprits formatés par une logique absolutiste s’autorisent ils à juger, valider des actes et surtout condamner sans possibilité de (r)(s)ecours ? «La Volonté Divine» serait donc, offense insoutenable, entre les mains de «nouveaux gardiens du temple», coteries autos proclamées qui dévoieraient ainsi le message originel.

Dans un registre proche, la langue arabe qui a tant apporté à la Connaissance doit être préservée comme un précieux trésor . Rappelons ce que disait en son temps, le regretté Kateb Yacine à propos de la langue française. Et puis, est il nécessaire de le rappeler, le Peuple Berbère, sa langue, ses coutumes font incontestablement partie de notre patrimoine. Nos mosquées et tous les lieux de cultes sont bénis par une Volonté qui nous transcende mais aussi à laquelle nous ne sommes pas tenus de croire. Faut-il, juste par réaction épidermique, brûler tout ce qui n’est pas Nous ?

Mais au fait qui sommes-Nous ? Qui est ce «Nous» qui n’accepte pas la règle du «Je»? Il convient de bien réfléchir avant de répondre à cette question. Si «JE» doit accepter «NOUS», la démarche inverse est tout aussi valable, peut être même davantage.

Lorsque l’islamisme comprendra que la religion du Coran s’appuie sans équivoque ni complexe sur des Livres aussi Saints que la Bible ou la Torah, lorsque nous dirons la même chose dans des langues différentes, et des choses différentes dans la même langue, lorsque nous accepterons que l’Autre pense autrement, alors et alors seulement nous ouvrirons la porte de la pensée universelle qui unit au lieu de séparer, qui rassemble au lieu de disperser, qui fonde une Société juste et libre.

Malheureusement beaucoup se fracassent contre un mur qu’ils édifient pour protéger une identité surfaite, mal faite, imparfaite, voire abstraite. Une identité «de façade», boiteuse, qui interdit tout progrès, toute avancée, toute réconciliation.

C’est ainsi que, bien naïvement, le Pouvoir Algérien a tenté au forceps une réconciliation utopique prônée comme un vœux pieux et dont le triste sort aura été d’avoir subi les outrages d’un plébiscite préfabriqué dans lequel le Peuple a été sollicité, non pour asseoir sa légitimité mais pour confirmer la mainmise autoritaire exercée sur la Société. Est ce cela dont il est question ?

Cette réconciliation symbolique paraît impossible tant que perdure une relation conflictuelle parce que narcissique avec l’Autre. Ce refus de s’ouvrir à la différence met chacun dans une position de rigidité intellectuelle et mentale inconfortable. Il s’agit en effet (en même temps) de s’affirmer individuellement tout en enclavant l’Autre duquel il faut prendre ses distances. Là , peut être se situe le nœud d’un antagonisme dont l’enjeu est d’intégrer l’Autre comme partie inaliénable, inaltérable mais surtout indéniable de Soi.

Intégrer par « consentement mutuel » en conservant la partie Autre comme une entité autonome ne doit pas dériver, par glissement sémantique vers intégrisme qui lui, justement, refuse tout apport qu’il considère dangereux …pour son intégrité.

Mais comment cela peut-il se faire si l’Autre est nié ? Si la croyance en une identité ne pouvait se faire que sur la négation d’une origine refoulée ?

Questions gênantes qui dès qu’elles sont posées nous mettent face à une histoire non assumée d’un passé vécu comme une tare. Idem pour la langue, le patrimoine architectural, pictural, graphique, symbolique, historique…rejetés, balayés d’un revers de la main dans un geste de mépris, témoignage d’une crainte irraisonnée probablement liée à une estime de soi fragile, voire inexistante.

Nous avons tous besoin de cette reconnaissance d’autrui à défaut d’assumer seul une identité pleine et entière. Or cette reconnaissance implique le regard de l’Autre et cela nous est insupportable si ce regard est perçu comme réprobateur et inhibant toute velléité d’ouverture.

Comment «Etre» aujourd’hui en « oubliant » ce que «J’ai été»? Or je ne peux pas être sans avoir été. A quoi faut il alors se raccrocher pour exister et combler la faille qui isole de l’essence de l’être?

C’est plus qu’un dilemme qu’il nous faut affronter. C’est une aporie qui fait ressurgir les démons enfouis d’une identité complexe qui complexe par sa genèse, mot qui immanquablement nous rattache, nous lie, nous met en connexion avec une Histoire commune obsédante.

Apparaît alors une difficulté majeure que ne peuvent résoudre que des individus libérés des contraintes imposées par un «jeu de pouvoir morbide», cette expression devant être comprise dans le sens d’une dialectique interne et personnelle qui ouvre la perspective d’une réalité réactionnelle subjective.

Mais la véritable difficulté repose sur une ambiguïté : Etre sans possibilité d’Avoir, l’Avoir ne pouvant être atteint car inexistant, ou pour le moins inaccessible. Nous sommes dans la «réalité mythique» et donc illusoire d’une origine mal vécue.

Il est tentant de développer ce point, mais il y a un risque ; celui de remettre en question des croyances reconnues comme des vérités absolues et incontestables.

Aussi il nous faut rebondir et se demander pourquoi la contestation n’est elle possible que dans un sens. Autrement dit, si pour beaucoup exister repose sur la non reconnaissance du passé (est il si insupportable ? ), comment est il possible de se construire ex nihilo?

La solution qui apparaît la plus accessible est d’affirmer que s’il y a bien eu « message », celui ci a été trahi et la Révélation Coranique a seule été capable par un vision géniale de le restituer dans « son intégrité ».

Nous reproduisons malheureusement, et à notre insu, un schéma déjà connu en mettant face à face des protagonistes devenus, à leur corps défendant, des ennemis jurés.

« Le bon juif et le mauvais arabe, l’indien et le colon américain, l’algérien et le français, le noir et le blanc, le berbère et l’arabe…

l’Islam et les autres religions ou pire, les bons et les mauvais musulmans », et toutes ces propositions peuvent malheureusement être inversées en gardant toujours le même sens.

Aristote par sa démonstration de haute facture nous tient par la main. Faut-il le suivre ou lui demander de marquer une pause dans ce qui s’apparente à une descente aux enfers ?

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