La parabole culturelle
Par Djamel Eddine Merdaci
Parmi les phrases qui donnent froid dans le dos, il y a cette citation invariablement attribuée à des dignitaires nazis : « Quand j’entends le mot culture, je sors mon révolver. »
Quel que soit son auteur, cette phrase traduit un état d’esprit et résume la posture totalitaire.
C’est une phrase qui dit la haine du livre, du cinéma, de la peinture ; et de tous les arts autres que ceux qui servent à domestiquer la pensée et à embrigader les consciences.
Le totalitarisme n’a jamais toléré le livre et l’écrivain, et s’est méfié du peintre, du cinéaste, ou du musicien. Les livres ont constitué sa cible privilégiée.
Dans son chef-d’oeuvre Fahrenheit 451 le romancier américain Ray Bradbury décrit un monde concentrationnaire où ma littérature est prohibée et où des femmes et des hommes ont mémorisé les grandes oeuvres pour empêcher leur disparition.
C’est une parabole qui n’anticipe pas de beaucoup la réalité d’une culture qui a toujours représenté un péril pour l’absolutisme.
La littérature, la peinture, la musique, n’existeraient pas si elles ne créaient pas cette connivence intelligente entre les êtres humains sans distinction de race, de sexe, et de religion.
Ecrire, peindre, composer, est pourtant le plus pacifique des actes humains, car il est de l’ordre de l’intime.
La lecture, l’écoute, sont nés de ce désir de rencontre qui élève l’humanité vers la spiritualité. A quoi ressemblerait un univers sans livre, sans musique et sans peinture qui n’est pas qu’une vue de l’esprit car l’intolérance ne s’épuise pas à la disparition d’un extrémisme.
Peindre, chanter, écrire, deviennent alors des actes de résistance contre lesquels l’absolutisme plus implacable ne peut rien car la pensée l’emporte sur la tentation du vide.
Mais la culture ne se réduit pas qu’à cela, car elle intègre d’autres valeurs dans lesquelles s’exprime le génie des Nations.
Les peuples n’acceptent pas d’être amputés de leur identité et ils défendent leur costumes, leurs langues, leurs gastronomies, qui sont le résultat de siècles de pratiques sociales par lesquelles, l’humanité s’est affinée et s’est raffinée.
Il n’y a pas de culture qui soit supérieure à une autre sauf pour les tenants des thèses racistes, et ce sont ceux là qui, au propre et au figuré, sortent leur révolver.
Le monde n’est pas à l’abri de voir se répéter de telles dérives insensées.
Des dérives qui sont limitées lorsque l’ignorance et les préjugés reculent et que les peuples apprennent à se connaître et à se comprendre.
Les progrès fulgurants des nouvelles technologies contribuent grandement à réduire la capacité d’emprise de l’absolutisme, qui ne peut plus user de la chape de plomb pour entraver l’expression aussi facilement et aussi totalement qu’il l’avait en d’autres temps.
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Edition du 03 09 2013